Les vaches mangent local: pourquoi pas nous?

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Le 30-06-2020
Un article rédigé par Nina, chargée de projet en agriculture.

Alors que la crise du Covid-19 nous questionne actuellement sur notre manière de vivre et de nous déplacer et qu’elle nous incite à rester dans notre maison et dans ses alentours, beaucoup d’entre nous, pour échapper à la foule des supermarchés, en profitent pour aller à la rencontre des producteurs de leur région.

Aujourd’hui, les producteurs/transformateurs vous le diront, la vente de produit locaux est en constante augmentation. Résultat d’un temps libre supplémentaire ou du ralentissement du commerce international, la question est bien là : pouvons-nous en temps de crise subvenir à nos besoins alimentaires à base du fruit du travail de nos agriculteurs belge ? Pourrions-nous aller vers plus d’autonomie alimentaire ?

Si cette question est d’une importance incontestable pour nous être humain, elle l’est aussi pour tous les éleveurs qui doivent produire année après année la nourriture consommée par leur bétail pour produire du lait et de la viande de qualité. Les producteurs se la posent même déjà depuis quelques années. En effet, beaucoup d’entre eux auto-produisent la majorité de l’herbe et des céréales qu’ils donnent à leurs animaux mais bien souvent ils doivent tout de même en acheter une partie. Le soja est un exemple de l’un de ces aliments très intéressant qui pousse facilement sous le climat de certaines latitudes de l’Amérique et dont les éleveurs sont souvent dépendants.

Comment voyez-vous l’alimentation de vos animaux dans 5-10 ans ? Cette question, posée aux éleveurs participants à un réseau de groupes Autonomie Alimentaire lancés par les GAL, apporte de multiples réponses.

Certains mentionnent une motivation de relocaliser la production des aliments du bétail pour minimiser l’impact sur l’environnement, d’autres y voient une possibilité de diminuer leur quantité de travail, beaucoup évoquent l’intérêt économique de cette démarche en évitant les fluctuations des prix du marché des produits achetés ou en diminuant les frais d’aliments grâce à des fourrages auto-produits de meilleure qualité, enfin quelques-uns désireux de maitriser et de connaitre la qualité de tous les aliments qu’ils donnent à leur troupeau y voient une démarche de transparence vis-à-vis du consommateur.

Toutes ces aspirations sont différentes mais ont un élément en commun : la recherche de davantage d’autonomie alimentaire ! Pour répondre à cette demande, le GAL (groupe d’action locale) Condroz Famenne a élaboré avec leurs partenaires, un projet pilote permettant aux exploitations demandeuses de trouver des pistes concrètes pour augmenter la part auto-produite de leurs aliments. Les éleveurs ont ainsi pu bénéficier à la fois d’un conseil individuel (en collaboration avec Fourrages Mieux asbl) et d’une série de rencontres de groupe favorisant le partage d’expériences sur l’une ou l’autre pratique d’autonomie alimentaire.

Cependant après les rencontres de groupe, lorsque l’on questionne les agriculteurs sur ce qu’ils vont pouvoir tester de retour chez eux, beaucoup répondent que les pratiques présentées étaient intéressantes mais qu’elles ne colleront pas à leur modèle de ferme. Comme ils le soulignent, et non sans raisons, toutes les fermes sont différentes. Ce qui marche chez l’un ne marchera pas forcément chez l’autre.

Dans la recherche d’un système plus durable pour son exploitation, la solution miracle et 100% adéquate n’existe pas. Les essais-erreurs sont la base de la dynamique de recherche d’autonomie alimentaire.

Ainsi en découvrant un ensemble de pratiques lors des rencontres en groupe, les producteurs participants ont pu relever l’intérêt de l’une ou l’autre en fonction des données propres à l’exploitation, puis à se projeter dans le futur et en imaginant les freins de leur mise en place, pour enfin pouvoir cibler ses questions et profiter pleinement des expériences des autres sur celles-ci.

Parmi ces pratiques, la recherche d’une herbe riche en protéine et en énergie et sans plantes indésirables comme l’ortie ou le rumex. Mais aussi l’implantation de plusieurs espèces dans les mélanges herbes comme la luzerne, le dactyle et le trèfle qui sont très appréciées par les animaux et qui résistent mieux aux sécheresses. Ou encore la culture de légumineuses comme le pois, la féverole et le colza. Certains éleveurs plantent aussi de l’herbe entre deux cultures de céréales pour avoir davantage de réserves mais aussi pour enrichir les sols et capter du CO2.

Vous l’aurez compris, il y a toujours des pratiques autonomie adaptées à chaque ferme mais pour cela 2 conditions sont nécessaire : d’une part, le fait de pouvoir se projeter sur un idéal et d’autre part, le fait de savoir partager avec les autres pour confronter cet idéal à leurs expériences et apprendre de leurs erreurs et réussites. Le rôle de l’animateur du GAL est quant à lui prépondérant. Il doit savoir relever avec chaque agriculteur les pratiques à travailler pour pouvoir ensuite proposer des ateliers qui pourront mettre en lien ceux qui recherchent des réponses avec ceux qui ont déjà mis en place des essais pour en trouver !

Alors regardez d’un autre œil ces champs que vous côtoyez tous les jours et allez rencontrer vos agriculteurs car tout comme eux, vous êtes en tant que consommateur, l’avenir de l’agriculture de votre région !

Nos vaches mangent local,  pourquoi pas nous?